Remplacements de courte durée… des règles floues


Les remplacements de courtes durées peuvent-ils être imposés à un enseignant et doivent-ils toujours donner lieu à indemnisation ?

Dans le BO concernant les Sorties et voyages scolaires au collège et au lycée, on trouve en référence le décret n°2005-1035 du 26 août 2005.

C’est ce décret n°2005-1035 du 26 août 2005 qui régissait les remplacements de courte durée.

On pouvait y lire, à l’article 3 :
« Le chef d’établissement recherche en priorité l’accord des enseignants qualifiés à même d’effectuer un remplacement de courte durée.
Lorsque cela est nécessaire pour assurer la continuité de l’enseignement mentionnée à l’article L. 912-1 du code de l’éducation susvisé, le chef d’établissement désigne les personnels chargés d’assurer des enseignements complémentaires pour pallier une absence de courte durée. »

Il était également mentionné à l’article 4 que le maximum d’heures de remplacement était de 60h annuelles et de 5h hebdomadaires et qu’elles doivent être rémunérées en HSE.

Cependant, ce décret est maintenant abrogé et remplacé par celui qui régit le Pacte, à savoir le décret n° 2023-732 du 8 août 2023.

On peut y lire désormais à l’article 7 :
« Le chef d’établissement peut également solliciter les enseignants (ceux qui n’ont pas signé le pacte), en cours d’année scolaire et sur la base du volontariat, pour assurer des heures de remplacement. »

La suppression du décret de 2005 et l’entrée en vigueur du décret n°2023-732 du 8 août 2023 permettent-elles d’affirmer qu’aucun remplacement de courte durée ne peut désormais être imposé à un enseignant, sauf engagement volontaire explicite, et qu’un remplacement effectué doit toujours donner lieu à indemnisation (pacte ou HSE) ?

Trancher sur cette question est particulièrement important sachant que dans le guide du Ministère de l’Education Nationale des remplacements de courtes durées à l’usage du chef d’établissement, on peut lire dans la FAQ l’information suivante :

« Comment traiter le cas particulier des absences liées aux sorties ou voyages scolaires ?
Les voyages et sorties scolaires sont définis par la circulaire DGESCO C2-3 du 13 juin 2023 relative à l’organisation des sorties et voyages scolaires dans les écoles, les collèges et les lycées publics. Cette circulaire prévoit que les sorties et voyages scolaires sont autorisés par le chef d’établissement dans le
second degré.
Les enseignants libérés de leurs classes en raison d’une sortie ou d’un voyage scolaire auquel participent leurs élèves, et un ou plusieurs de leurs collègues, n’assurent pas, en partie ou en totalité, le service hebdomadaire d’enseignement prévu par le décret du 20 août 2014.
Le service des professeurs est fixé par le chef d’établissement conformément au 1° de l’article R. 421-10 du code de l’éducation, dans le respect du statut de ces derniers.
Rien ne s’oppose à ce que le chef d’établissement, en vertu de ces dispositions, modifie le service de ces enseignants sur la semaine concernée afin qu’ils assurent une partie de leur service d’enseignement auprès d’autres classes, dans le respect du maximum hebdomadaire prévu à l’article 2 du décret du 20 août 2014. Cette mesure s’analyserait comme une simple mesure d’ordre intérieur, insusceptible de recours. En revanche, les heures effectuées au-delà ne peuvent l’être que sous réserve de l’accord du professeur concerné et doivent être rémunérées sous la forme d’HSE. »

Or, de nombreux chefs d’établissement se basent sur ce guide qui, sauf erreur de notre part, n’a aucune valeur juridique, en plus pour imposer de réaliser des séances de cours parfois avec des classes dont l’enseignant n’a pas eu l’attribution en début d’année scolaire.

De plus, il nous semble qu’il ne s’agit en aucun cas d’une simple « mesure d’ordre intérieur », en effet ces heures :

  • impliquent une préparation pédagogique non prévue initialement;
  • alourdissent la charge de travail (notamment par la préparation ou l’adaptation des cours);
  • impactent l’organisation personnelle ou professionnelle.

Ces raisons tendent à démontrer que ces modifications, même temporaires, peuvent être considérées comme des changements substantiels des conditions de travail.

Le Conseil d’État a déjà pu rappeler que lorsqu’une mesure interne modifie de manière significative les conditions de travail ou les attributions habituelles d’un agent, elle devient contestable et ne peut être qualifiée de mesure d’ordre intérieur (exemple : arrêt du Conseil d’État n°396810 du 1er février 2017).

Nous ne contestons pas la possibilité et la légitimité d’un chef d’établissement à modifier ou attribuer des emplois du temps et des classes différentes à des enseignants en début de chaque année scolaire, conformément au 1° de l’article R. 421-10 du code de l’éducation, mais s’ils le décident à la suite d’un voyage scolaire pour assurer des besoins de remplacement de courtes durées, soit cela rentre dans le cadre d’un remplacement de courte durée et des conditions de volontariat quant à la réalisation de remplacements de collègues absents, soit cela représente des changements substantiels qui ne peuvent donc être considérés comme une simple mesure d’ordre intérieur et doit donc être considéré comme une mission complémentaire assujettie à indemnisation en HSE.

Comment doit-on comprendre que le guide des remplacements de courtes durées à l’usage du CE du RCD, sans valeur juridique et en contradiction avec le décret instituant les missions du pacte, soit toujours considéré comme légalement applicable pour un chef d’établissement ?

Conclusion : La réponse juridique du Snec-CFTC est de contester l’analyse de beaucoup de chefs d’établissement à demander à tout enseignant déchargé de cours, d’effectuer des remplacements, du fait de l’absence d’une de ses classes prises par un voyage ou une sortie scolaire, si celui-ci n’est ni volontaire au dispositif des remplacements de courtes durées, ni payé en HSE s’il remplace un collègue absent car en déplacement ou voyage scolaire, à plus forte raison de prendre en charge en cours une classe dont il n’a pas eu l’attribution dans son emploi du temps en début d’année scolaire.