En quoi la situation des maîtres délégués est-elle précaire ?
Leur précarité est statutaire : près d’un enseignant du privé sur cinq est sous contrat précaire.
La précarité est aussi économique. Alors qu’en 2000, le salaire indiciaire d’un MA2 au 1er échelon était supérieur de 25 % au Smic, en 2021, elle est égale au Smic. Certes, il y a l’Isae ou l’Isoe et la prime d’attractivité. Mais tous ne touchent pas l’indemnité de précarité de 10 %. Au final, les maîtres délégués du privé sont rémunérés comme des travailleurs non qualifiés et bien moins rémunérés que leurs homologues du public (de plusieurs centaines d’euros par mois) …
Les modalités de règlement de leurs salaires sont également pénalisantes puisque le versement des rémunérations du premier trimestre de l’année scolaire est reporté parfois en début d’année civile. Cela pose de gros problèmes de trésorerie. Cela prive aussi nombre de maîtres délégués de certaines allocations qu’ils percevraient s’ils étaient rémunérés avant la fin du mois de décembre, le revenu fiscal étant artificiellement gonflé.
Certes, suite à l’insistance du Snec-CFTC, le Ministère a passé des consignes aux rectorats pour qu’ils consentent des avances sur salaire significatives dès le mois de septembre. Certes, des régularisations de cotisation retraite sont désormais effectuées afin de ne pas faire perdre de trimestre cotisé. Mais il y a encore des loupés et le montant des avances est généralement sous-évalué.
Pourquoi avez-vous été aussi vindicatifs concernant le basculement d’heures contrat (heures poste) en HSA ?
La pratique consistant à confier un service à temps incomplet plus des HSA est très pénalisante sur le plan de la trésorerie puisque les HSA sont versées d’octobre à juin. Les étés sont donc difficiles.
Elle est aussi pénalisante en termes de rémunération annuelle brute, le calcul de nombre d’accessoires excluant les HSA : prime d’attractivité, part fixe de l’Isoe, indemnité de résidence, supplément familial de traitement (à partir du 2e enfant).
C’est d’autant plus injuste que le travail est rigoureusement le même ; c’est une décision unilatérale de l’Etat qui pénalise de façon parfois dramatique les maîtres délégués et leur famille, catégorie mal rémunérée. Un MA2 au 4e échelon percevant l’indemnité de résidence (3 %), ayant 3 enfants à charge, passant d’un service de 18 heures contrat à 9 heures contrat + 9 HSA peut perdre 16,6 % de sa rémunération annuelle brute ! La rémunération annuelle brute est impactée d’autant plus significativement que le nombre d’heures d’HSA en deçà de l’ORS est élevé.
La transformation d’heures contrat e HSA se traduit également par une diminution des ressources en cas d’arrêt maladie, le versement des HSA étant suspendu.
Le Snec-CFTC a saisi en 2021 le Ministre et les parlementaires, demandant au premier de rémunérer les maîtres délégués de façon conforme à la réglementation et aux seconds de donner au ministre les moyens de le faire (requalification d’HSA en heures contrats dans le cadre de la loi de finances 2022). Le Snec-CFTC a réitéré cette demande auprès du nouveau directeur de cabinet le 11 juillet 2022.
Comment expliquer qu’un maître du privé sur 5 soit précaire ?
Les contingents de contrats offerts aux concours sont insuffisants au regard du nombre d’emplois vacants et les concours sont fermés dans plusieurs disciplines du 2nd degré. Le ministère a entendu la demande du Snec-CFTC de compenser la disparition des recrutements réservés en augmentant le nombre de contrats offerts aux autres concours. Mais le compte n’y est pas. La précarité est loin de se résorber !
Et le CDI ?
Le CDI est un leurre car il n’offre en réalité aucune priorité en matière d’accès à l’emploi. Le Snec-CFTC se bat pour que l’Etat se donne dans toutes les académies une obligation de moyens pour replacer prioritairement les maîtres en CDI non reconduits dans leur établissement. Il demande aussi le passage en Commission nationale d’affectation pour les maîtres en CDI sans possibilité d’affectation dans leur académie d’origine.
Quelles sont les propositions du Snec-CFTC pour lutter contre la précarité statutaire ?
Le Snec-CFTC demande :
- que le nombre de contrats offerts aux concours soit porté au nombre de services vacants ;
- l’octroi effectif de tous les contrats offerts aux concours ;
- l’ouverture de concours dans toutes les académies (1er degré) et les disciplines (2nd degré) où il existe des besoins permanents non pourvus par des maîtres contractuels à titre définitif ; à défaut, dans les disciplines où les concours de recrutement sont fermés : la contractualisation immédiate des maîtres reconduits plusieurs rentrées de suite ;
- que les congés facultatifs pour concours de recrutement (accordés à la discrétion des recteurs) deviennent des congés de droit ;
- un dispositif complémentaire de déprécarisation par l’ancienneté;
- la possibilité de recruter sous contrat hors concours, à l’instar de ce qui se fait pour les maîtres sous la tutelle du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (personnels dits de catégorie 3) ;
- la suppression du délai de carence qui, dans nombre d’académies, consiste à ne pas remplacer dès le premier jour d’absence d’un maître contractuel mais parfois seulement après 15 jours alors même qu’il existe des maîtres délégués susceptibles d’effectuer le remplacement ;
- la portabilité du CDI de l’enseignement privé vers l’enseignement public, l’employeur étant le même (le Ministère de l’Education nationale) ;
- la contractualisation immédiate des maîtres reconduits plusieurs rentrées de suite et pour lesquels les concours de recrutement sont fermés.
Dans l’attente, que peut-on faire ?
Une formation professionnelle et un accompagnement adaptés les 3 premières années d’exercice :
- développeraient les compétences des maîtres délégués et donc accroîtrait la qualité du service public d’éducation ;
- faciliteraient le maintien dans l’emploi ;
- augmenteraient leurs chances d’admission au concours.
Dans l’idéal cet accompagnement se ferait dans le cadre d’un tutorat au sein de l’établissement.
Pour celles et ceux qui souhaitent quitter le métier, le Snec-CFTC demande qu’ils puissent bénéficier du dispositif de rupture conventionnelle dont bénéficient leurs homologues de l’enseignement public. L’intention du Ministère n’était pas de les écarter mais il faut un texte de transposition que le Ministère peine à rédiger.
Le Snec-CFTC demande l’organisation d’un mouvement des maîtres délégués avec consultation de la CCMA/D/I pour assurer que les maîtres délégués en fonctions sont reconduits prioritairement sur le recrutement de nouveaux maîtres délégués.
Se pose aussi la question des maîtres délégués en congé de maternité, de paternité, ou en congé parental d’éducation. Nombre de chefs d’établissement hésitent à les recruter car cela leur imposerait de chercher un remplaçant en cours d’année. Le Snec-CFTC a demandé à plusieurs reprises au ministère de donner des consignes claires aux rectorats et DSDEN pour favoriser le recrutement à nouveau de ces maîtres délégués mais le sujet ne semble pas digne d’intérêt…
Quelles sont les propositions du Snec-CFTC pour lutter contre la précarité économique ?
Lutter contre la précarité statutaire, c’est aussi lutter contre la précarité économique.
Se pose évidemment la question des salaires des MA1 et MA2. Le Snec-CFTC demande :
- le reclassement de tous les MA2 sur l’échelle des MA1 ;
- l’alignement de leur rémunération sur celle des contractuels de l’enseignement public,
- l’application d’une indemnité de précarité de 10 %, quelle que soit la durée de l’engagement, qu’il y ait reconduction ou non (demande partiellement satisfaite) ;
- l’indemnisation systématique des frais de déplacement y compris en véhicule personnel quand il n’existe pas de solution raisonnable en matière de transports collectifs ;
- une augmentation significative du taux de promotion par le choix et le bénéfice du dispositif PPCR,
- une aide au déménagement en cas de mobilité imposée (la caution est réglable d’avance, éventuels frais d’agence, dépôt de garantie et 1er loyer sont payables avant l’entrée dans les lieux, donc avant de toucher son salaire et d’avoir récupéré la caution précédente) ;
- les mesures de déprécarisation statutaire qui ne relèvent de la contractualisation hors concours doivent être accompagnées de mesures de déprécarisation économique, c’est-à-dire la possibilité réelle d’accéder à une échelle de titulaire par liste d’aptitude ;
- un vrai salaire dès le 1er mois, comprenant Isae (1er degré) ou Isoe et une avance sur les éventuelles HSA (2nd degré).