Remplacements d’enseignants : quand l’État abandonne l’école en silence


Le Rectorat de l'académie de Créteil décide de ne plus remplacer toutes les absences des enseignants suite à un arbitrage budgétaire. Les conséquences sont dramatiques pour les élèves, leurs enseignants et les enseignants suppléants.

Le gouvernement l’avait pourtant martelé : le remplacement des enseignants était une priorité. Sans parler de « la reconquête du mois de juin » chère à M Blanquer… Mais derrière les effets d’annonce, la réalité s’effondre en silence.

Après le lancement en fanfare des « PACTES » en 2023, avec notamment le dispositif RCD, censé remédier aux absences de courte durée, l’année 2024 marque un virage inquiétant. Non seulement ces dispositifs fondent comme neige au soleil, mais les HSE – Heures Supplémentaires Effectives – destinées aux remplacements diminuent elles aussi, dans l’indifférence la plus totale.

Et désormais, un nouveau seuil est franchi : certains rectorats ne remplacent plus les enseignants absents pour de longues durées en fin d’année scolaire. Dans l’enseignement privé sous contrat, le Rectorat de Versailles avait déjà cessé les remplacements en juin 2024. Celui de Rennes lui emboîte le pas dès le retour des vacances de printemps 2025.

L’académie de Créteil suit à présent cette mouvance. Lundi 5 mai, à l’école Henri Matisse de Montreuil (93), un enseignant prêt à commencer une suppléance n’a pas pu être installé sur décision du rectorat. Motif : « la situation actuelle ne nous permet pas d’autoriser la suppléance ». Traduction : le budget est à sec. Le Rectorat n’a plus les moyens de garantir la présence d’un adulte devant chaque classe.

Alerté, le Snec-CFTC a exigé des explications. Après insistance, voici ce qu’on apprend :
• Dans le premier degré, seuls les arrêts d’au moins deux semaines seront remplacés — contre une semaine auparavant.
• Dans le second degré, seules les classes à examens seront remplacées. Pour les autres, il faudra « bricoler » avec les PACTES restants. Autant dire : pas de remplaçants.

Résultat : des classes fonctionnent en mode dégradé. Dans le premier degré, les élèves sont répartis dans les autres classes déjà bien chargées, des enseignants contraints de gérer ces élèves en plus de leur classe habituelle. Ce bricolage est déjà la norme pour des absences courtes, sans la mise en place d’une suppléance, il va s’éterniser…

Et que dire des Maîtres Délégués, ces enseignants précaires du privé sous contrat, qui assuraient ces remplacements ? Leur précarité est déjà institutionnalisée : salaire indécent, interruptions et retards récurrents dans son versement… On y ajoute une nouvelle couche d’insécurité avec des contrats non renouvelés. Sans compter qu’une interruption de plus de quatre mois entre deux contrats efface leur ancienneté ; retour à la case départ pour les passages d’échelons et l’accès au CDI.

Certain·es auront « la chance » de conserver un emploi… à temps partiel. Comme au lycée Sainte-Marie de Créteil, où un remplacement partiel, uniquement des classes à examens équivaut à un contrat à 66 % dont la rémunération n’atteint pas 1300 euros brut. Comment vivre dignement avec ça ?

Les conséquences de cet arbitrage budgétaire sont dramatiques :
• Pour les élèves, privés d’un enseignement stable.
• Pour les Maîtres Délégués, précipités dans la précarité.
• Pour les enseignants titulaires, accablés par une surcharge de travail.

C’est une spirale inacceptable dans laquelle le rectorat de Créteil tombe à son tour. Et pourtant, l’État a déjà été condamné pour « carence dans l’organisation du service public d’enseignement ». Il a l’obligation d’assurer l’enseignement obligatoire et la continuité des apprentissages. Mais visiblement, ni les rectorats ni le ministère n’entendent l’urgence : remettre des moyens là où ils sont essentiels — dans les classes.

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